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La mobilité interne, un levier de recrutement et de fidélisation sous-exploité❗

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A l’heure où 61 % des recrutements sont jugés difficiles par les entreprises (enquête besoins en main d’œuvre 2023 de Pôle Emploi [1]), une des réponses est bien souvent sous les yeux mêmes des organisations à savoir faire évoluer en interne leurs propres collaborateurs et les accompagner de manière efficiente dans leur mobilité professionnelle ainsi que dans l’acquisition de nouvelles compétences. En effet, pourquoi chercher à recruter en externe les talents déjà présents en interne ?

Or historiquement – et malgré des avancées notables en la matière ces dernières années – la mobilité interne a toujours été en retrait en France et le parent pauvre des politiques RH. Certes la mobilité interne est perçue comme un enjeu stratégique pour 87 % des entreprises interrogées mais elle est jugée non prioritaire pour 55 % d’entre elles. Son déploiement demeure très hétérogène en fonction des organisations. Seules 53 % des entreprises déclarent disposer d’un processus de mobilité interne en 2022 et parmi les entreprises n’en ayant pas, seules 20 % souhaitent en mettre un en place rapidement. [2]

Pour reprendre une expression tirée de l’étude myRHline, « les entreprises sont davantage croyantes que pratiquantes » sur ce sujet. C’est vraiment regrettable… Négliger la mobilité interne est, en effet, une grave erreur car cette dernière présente, comme nous allons le voir, de nombreux avantages. Mais avant de les passer en revue, revenons un instant sur la définition de la mobilité interne.

Mobilité interne, quesako ?

Souvent résumée à une promotion à un niveau hiérarchique supérieur, la mobilité interne est plus diverse que cela et peut, dans les faits, revêtir trois formes distinctes au sein d’une entreprise à savoir : la mobilité verticale (à laquelle tout le monde pense spontanément), la mobilité horizontale et enfin la mobilité géographique.

• La mobilité horizontale (également appelée mobilité transversale ou mobilité fonctionnelle) : il s’agit d’un changement de poste ou de fonctions à un niveau hiérarchique identique ;
• La mobilité verticale : il s’agit d’un changement de poste avec accroissement des responsabilités et reconnaissance hiérarchique supérieure, le tout couronné par une augmentation salariale ;
• La mobilité géographique (nationale ou internationale) : il s’agit d’un changement de lieu de travail (changement d’établissement à l’échelle nationale ou expatriation à l’échelle internationale) tout en conservant le même poste ou les mêmes fonctions. La mobilité géographique peut cependant être combinée aux mobilités horizontale ou verticale.

Quant à ces différentes mobilités, elles peuvent être souhaitées et initiées par les collaborateurs eux-mêmes ou bien proposées directement par les entreprises. Dans les faits, ce sont, en France, majoritairement les collaborateurs qui sont à l’initiative et se déclarent candidats. Suivant les études, les chiffres oscillent entre 60 et 70% à l’initiative du salarié versus 30 à 40 % à l’initiative des RH ou N+1. Maintenant que le concept est défini, passons en revue ses nombreux bienfaits.

Capacité à pourvoir certains postes pénuriques ou emplois « émergents »

Nombreuses sont les entreprises françaises, dès lors qu’un poste s’ouvre, à avoir le réflexe de recruter à l’ externe et ce de manière quasi-automatique au lieu de penser, en premier lieu, à leurs propres collaborateurs.
Or selon une étude de Harvard Business School, 60% des postes à pourvoir au sein d’une organisation pourraient être exercés par les collaborateurs mêmes de l’organisation si tant est que soient mis en place les programmes adéquats de formation, d’accompagnement et de montée en compétences. 60%, c’est phénoménal ! [3]

Et, en moyenne, les entreprises disposant d’un processus de mobilité pas parfait mais bien ficelé réalisent 1/3 de leurs recrutements via la mobilité. [2]

C’est donc une réelle hérésie d’aller, systématiquement, chercher à l’extérieur les compétences au lieu de capitaliser sur les talents déjà présents au sein d’une organisation, talents qui font incontestablement sa force.

La mobilité interne est, en effet, un des moyens les plus efficaces de faire face à la pénurie de compétences et de recruter des profils rares. Et je ne vous parle même pas des « nouveaux métiers » qui émergent, chaque année, de plus en plus nombreux et pour lesquels il n’existe quasiment aucune ressource disponible sur le marché. Selon un rapport de Dell et de l’Institut pour le Futur – un think tank californien – 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Ce chiffre me semble très élevé mais traduit cependant une réalité que l’on ne peut plus ignorer. [4]

Dans ces conditions, pourquoi ne pas miser sur un talent interne disposant d’un socle de compétences solide mais aussi et surtout des compétences comportementales adéquates ? Avec une tête bien faite, de la bonne volonté et le bon encadrement, il pourra sans aucun doute acquérir les compétences nécessaires et ultra rares sur le marché et l’entreprise disposera alors avec fierté de ce mouton à 5 pattes !

Des recrutements plus rapides et moins onéreux

Outre le fait de rendre tout simplement « possibles » certains recrutements, la mobilité interne facilite également grandement leur mise en œuvre opérationnelle en les rendant plus rapides et moins onéreux.
En ce qui concerne le délai, un recrutement interne permet d’éliminer une grande majorité des étapes d’un recrutement « standard » externe (évaluation des aptitudes, vérification du CV, contrôle des références…) et permet donc de gagner un temps précieux.

Atout non « négligeable », selon une étude de Matthew Bidwell [5] – professeur associé en management à la Wharton School de l’université de Pennsylvanie – un recrutement interne, pour un même poste, reviendrait 18 à 20 % moins cher qu’un recrutement externe.[5] Il est difficile d’évaluer précisément le gain financier et les chiffres divergent d’une étude à l’autre mais force est de constater que toutes les analyses vont dans le même sens à savoir une économie significative. Ainsi selon une étude Gartner – et je m’arrêterai là dans les citations – un recrutement en interne coûterait entre 10 et 20 000 € moins cher qu’en externe.

En diminuant le nombre d’étapes de recrutement et en réduisant certaines dépenses (par exemple les frais d’honoraires de cabinets de recrutement ou bien de chasseurs de tête), la mobilité interne permet de diminuer de façon drastique les coûts de recrutement. Ces dépenses sont également optimisées grâce à une intégration et une prise de fonction globalement plus aisées et moins risquées.

Une intégration et une prise de fonction moins risquées et plus aisées

Selon l’étude de Matthew Bidwell évoquée précédemment, les recrutements externes – malgré un apport en expérience et un niveau d’éducation supérieurs – s’avèrent moins performants que les « internes » sur les deux premières années. Pire, la probabilité pour une entreprise de devoir se séparer d’un collaborateur venu de l’externe dépasse de 61% celle de devoir renvoyer un interne. Vertigineux….

Recruter un collaborateur en interne est nettement moins risqué. Cela n’est pas étonnant dans la mesure où l’entreprise connaît en fait déjà très bien le salarié et ce de manière concrète et opérationnelle. Elle a pu évaluer sur le terrain ses forces et ses faiblesses et elle sait qu’il partage les valeurs de l’entreprise et adhère à sa culture. Elle est donc en mesure d’identifier ce qu’elle peut ou non lui demander et comment l’accompagner au mieux.

Quant au collaborateur, il est déjà familier avec le mode de fonctionnement, les processus, les principaux rouages, la stratégie ainsi que la culture de l’entreprise. Son onboarding ou intégration n’en sera que plus rapide, effective et réussie !
En « recrutant » ou plutôt en faisant évoluer en interne un collaborateur, une entreprise s’évite clairement des mauvaises surprises. Elle minimise les risques d’une « erreur de casting » ou d’une mauvaise intégration, limite les démarches et processus d’onboarding et d’intégration et en réduit les coûts afférents.
Il n’est donc pas surprenant que 56 % des entreprises qui ont un processus de mobilité interne la considèrent comme plus performante que le recrutement à l’externe. [2]
Mais mettre en place une politique de mobilité interne dynamique offre aussi un autre avantage concurrentiel stratégique à une entreprise : elle lui permet de fidéliser ses talents et de maximiser leur engagement ce qui n’est pas une mince affaire de nos jours !

Fidélisation des talents et maximisation de l’engagement des collaborateurs

Au lieu de déclencher un processus de recrutement en externe dès qu’il y a un poste à pourvoir, une entreprise a tout à gagner à proposer ce poste en priorité à ses collaborateurs actuels.
L’évolution professionnelle est, en effet, l’une des préoccupations majeures des collaborateurs. Selon une étude Hays de 2021, 60 % des collaborateurs préféreraient bénéficier d’une mobilité interne à un mouvement externe. Leur offrir des perspectives d’évolution en interne permet de les fidéliser, de les rassurer, de leur apporter un sentiment de sécurité vis-à-vis de l’entreprise et d’augmenter in fine leur engagement.
Concernant la fidélisation, les collaborateurs sont en grande majorité reconnaissants de la possibilité qui leur est offerte de développer leurs compétences et satisfaits de la confiance ainsi accordée. S’ils sont convaincus de l’efficacité ( et au courant de leur existence 😉 ) des programmes de mobilité interne, ils se tourneront plus « naturellement » vers le service RH de leur entreprise que vers un concurrent quand ils éprouveront le besoin de « bouger » et/ou d’acquérir de nouvelles compétences.

La mobilité interne est donc un excellent outil de fidélisation de ses collaborateurs. Néanmoins, en parcourant la littérature sur le sujet, on se rend compte que certaines personnes sont plus sceptiques concernant la capacité de la mobilité interne à fidéliser à long terme les collaborateurs et à retenir les meilleurs talents. Cependant même les « moins optimistes » d’entre eux reconnaissent l’impact significatif et positif de la mobilité interne sur l’engagement des collaborateurs.
Loïc Michel, co-fondateur de 365Talents déclare ainsi « Plus que la fidélisation, l’enjeu de la mobilité interne est l’engagement. Le but n’est pas que les collaborateurs soient présents dans l’entreprise toute leur carrière, mais qu’ils soient investis quand ils sont là. C’est un changement de paradigme. Mieux vaut une force vive pendant quelques années qu’une force molle pendant dix ans. » [6]

Quant à Anna Fulton et Maya Crawley, elles estiment que proposer la mobilité interne augmente de 30% l’engagement des collaborateurs. [7] Et qui dit collaborateurs engagés dit collaborateurs plus épanouis, motivés, productifs, créatifs et innovants et, cerise sur le gâteau, une meilleure ambiance globale de travail !

Il serait vraiment dommage de ne pas promouvoir à chaque occasion offerte la mobilité interne et de passer ainsi à côté de la possibilité d’améliorer et de soigner sa marque employeur.

Un impact positif sur la marque employeur & l’image employeur

Comme Thomas Chardin l’a si bien écrit [8], dans la guerre actuelle des talents, les efforts des entreprises semblent se porter essentiellement sur leur attractivité à savoir sourcer et recruter vite des candidats et moins sur les deux autres volets tout aussi fondamentaux que sont la fidélisation et l’engagement.

Ce « service après-vente » du recrutement n’est que très rarement envisagé. Or le recrutement n’est que la partie émergée de l’iceberg, dissimulant les problématiques de fidélisation, d’engagement et d’absentéisme.

Déployer et animer une politique de mobilité interne structurée, maîtrisée et dynamique est très rare et permet à une entreprise de tirer son épingle du jeu. C’est extrêmement révélateur d’une culture d’entreprise.

Cela traduit le fait qu’une entreprise est à l’écoute des souhaits d’évolution de ses collaborateurs, encourage l’apprentissage de nouvelles compétences et valorise le développement de leur employabilité. Cela ne peut qu’avoir un impact positif sur l’image ainsi que sur la marque employeur de l’entreprise et augmenter ainsi son capital sympathie.

Il est, de plus, très facile de mettre en valeur cette politique de mobilité interne en mobilisant les collaborateurs sur le sujet et en leur demandant par le biais de témoignages et de retours d’expérience de jouer le rôle d’ambassadeurs. Un tel programme d’ « employee advocacy » donne l’image d’une entreprise au sein de laquelle on peut réellement se projeter sur du moyen/long terme, grandir professionnellement et s’épanouir. Cela valorise indéniablement la marque employeur et facilite le recrutement de nouveaux talents… Et la boucle est bouclée 😉 !

Conclusion

60% des postes à pourvoir au sein d’une organisation pourraient être occupés par son personnel actuel, 60 % c’est phénoménal ! Pourtant, la mobilité interne est très souvent sous-exploitée et négligée en France. C’est à n’y rien comprendre…
Elle présente pourtant d’innombrables avantages : capacité à pourvoir des postes, recrutements plus rapides et moins onéreux, intégration et prise de fonction plus aisées et moins risquées, fidélisation des talents et augmentation de l’engagement des collaborateurs, retombées positives sur l’image ainsi que la marque employeur …

De plus, en privilégiant et en jouant la carte de la mobilité interne, les entreprises limitent fortement la perte de « capital humain » et de leurs « forces vives » et conservent de précieuses connaissances en interne. Elles peuvent, de plus, tirer au maximum profit du potentiel de leurs collaborateurs qui, ayant occupés plusieurs postes, disposent dorénavant d’une vision plus globale et d’un regard plus affûté sur leurs problématiques.

Bref, il est vraiment regrettable que les entreprises n’utilisent pas pleinement le potentiel de cette « arme de performance massive » qu’est la mobilité interne et ne parviennent pas – encore ?!? – à lever les principaux freins invoqués à savoir les managers qui ne joueraient pas le jeu, la culture d’entreprise et les salariés qui ne seraient pas suffisamment proactifs dans leur carrière.

Un tout petit bémol cependant pour finir : la mobilité interne est à consommer avec un chouïa de modération sous peine de voir les entreprises fonctionner en vase clos et se priver de l’apport et de la richesse des recrutements externes et des interventions ponctuelles de consultants experts en leur domaine.

Références

[1] Enquête Besoins en Main-d’œuvre 2023 de Pôle Emploi | https://statistiques.pole-emploi.org/bmo
[2] Etude RH : la mobilité interne en entreprise en 2022 – myRHline
[3] Article « Future-Proofing Your Organization » de Michael Mankins, Eric Garton et Dan Schwatz | HBR – septembre/octobre 2021 : https://hbr.org/2021/09/future-proofing-your-organization#:~:text=%5B%20Practice%203%20%5D&text=The%20good%20news%20is%20that,filling%20new%20business%2Dcritical%20roles.
[4] Emerging technologies impact on society & work in 2030 | https://www.delltechnologies.com/content/dam/delltechnologies/assets/perspectives/2030/pdf/SR1940_IFTFforDellTechnologies_Human-Machine_070517_readerhigh-res.pdf
[5] Paying more to get less: specific skills, incomplete information and the effects of external hiring versus internal mobility – article de Matthew Bidwell paru dans Administrative Science Quarterly – Janvier 2011
[6] Mobilité interne: quels enjeux et comment l’optimiser ? Des collaborateurs plus engagés – article de Caroline Lelievre du 26 juin 2019 | https://www.tourmag.com/Mobilite-interne-quels-enjeux-et-comment-l-optimiser_a99282.html
[7] Career enablement best practices – article d’ Anna Fulton et de Maya Crawley- Fuel50 Global Benchmarking Research, 2017
[8] Thomas Chardin, DRH : mission ou démission, 3 pistes d’action à l’heure du choix | Diateino