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Recrutement et intelligence artificielle : l’AI Act change la donne

AI Act

Le recrutement est devenu un terrain d’expérimentation privilégié pour l’intelligence artificielle (IA). Qu’il s’agisse du tri des candidatures, de la rédaction d’offres d’emploi ou bien encore de l’interaction avec les candidats via des chatbots, les algorithmes promettent une automatisation accrue et des gains d’efficacité notables.

Mais cette avancée technologique ne va pas sans soulever des enjeux éthiques et juridiques majeurs. Face à ces défis, l’Union européenne a adopté l’AI Act, le premier cadre réglementaire mondial dédié à l’IA.

Ce texte impose des garde-fous stricts, en particulier pour le recrutement, considéré comme un domaine à haut risque, contraignant ainsi les entreprises à repenser l’utilisation de ces outils dans leurs processus de sélection.

Un encadrement inédit de l’IA en recrutement

Adopté en 2024, l’AI Act vise à garantir une IA digne de confiance, conforme aux valeurs européennes de transparence, de non-discrimination et de protection des droits fondamentaux. Il repose sur une approche fondée sur les risques : plus une application de l’IA est susceptible d’avoir un impact sur les droits des individus, plus elle est encadrée.

Le texte identifie trois grandes catégories de risque :

  • Risque inacceptable : les pratiques considérées comme dangereuses sont interdites. Cela concerne, par exemple, la notation sociale des individus ou les systèmes manipulant le comportement humain.
  • Risque élevé : les IA ayant un impact significatif sur les droits fondamentaux – dont le recrutement – sont soumises à des obligations strictes en matière de transparence et d’auditabilité.
  • Risque limité et minimal : les systèmes à faible impact doivent simplement respecter des obligations de transparence, comme informer les utilisateurs qu’ils interagissent avec une IA.

Dans le cas du recrutement, l’utilisation d’IA pour évaluer les candidats, trier les CV ou recommander des profils entre dans la catégorie haut risque. Les entreprises doivent ainsi démontrer que leurs algorithmes sont équitables, explicables et non discriminatoires.

Des obligations nouvelles pour les recruteurs

L’AI Act impose aux entreprises utilisant des outils d’IA en recrutement plusieurs exigences de conformité :

  1. Transparence et explicabilité : les candidats doivent être informés lorsque l’IA joue un rôle dans le processus de sélection.
  2. Protection des données : les algorithmes doivent se conformer au RGPD et minimiser la collecte de données personnelles.
  3. Non-discrimination : les systèmes doivent être conçus pour éviter de reproduire ou d’amplifier des biais discriminatoires liés, par exemple, au genre ou bien à l’origine ethnique.
  4. Supervision humaine : l’IA ne peut pas être le seul arbitre d’une décision de recrutement. Un contrôle humain est impérativement nécessaire pour garantir l’équité du processus.

Le non-respect de ces obligations expose les entreprises à des sanctions financières pouvant atteindre 35 millions d’euros ou 7 % de leur chiffre d’affaires annuel.

Un défi technologique et éthique pour les entreprises

Si l’IA permet d’accélérer et d’optimiser le recrutement, elle reste un outil sensible. Plusieurs études ont montré que certains algorithmes de recrutement reproduisaient des biais inconscients présents dans les données d’entraînement. Amazon, par exemple, avait dû, en 2017,  abandonner son IA de recrutement après avoir constaté qu’elle discriminait les candidatures féminines.

Avec l’AI Act, les entreprises doivent désormais justifier l’équité de leurs modèles et assurer leur auditabilité. Cela implique d’investir dans des solutions d’IA responsables mais aussi de renforcer la formation des équipes RH à ces nouvelles obligations.

Les recruteurs doivent également repenser leur approche : si l’IA facilite la présélection, elle ne doit pas remplacer l’humain dans la prise de décision. L’AI Act encourage ainsi un usage plus hybride de l’IA où l’automatisation cohabite avec un jugement humain éclairé.

Vers un recrutement plus éthique et performant ?

Loin d’être une contrainte, l’AI Act peut devenir un levier d’amélioration pour les entreprises. En imposant plus de rigueur et de transparence, il renforce la confiance des candidats et des recruteurs envers ces technologies.

L’Europe fait ainsi un pari audacieux : réguler sans freiner l’innovation, pour devenir un modèle d’IA responsable dans le recrutement.